Le shape, c'est quoi ?

To shape, en anglais, c’est donner forme, façonner, alors comme on aime bien les anglicismes, nous aussi, on « shape ». Par extension, un shape, c’est une forme, un shape de « vagues », de « slalom », un shape « tendu », « compact »…

Un certain nombre de termes définissent alors ces « formes » :

Le Scoop ou « Ligne de rocker ».

Il représente le profil général de la courbure du flotteur au niveau de la carène. Pour le mesurer, on place longitudinalement une règle graduée sur la carène (la mesure est donc faite en longueur projetée, perpendiculairement à la règle ). En appui sur la zone de plat, elle permet de relever des valeurs déterminantes, caractérisant l’évolution de la courbure du flotteur. En principe, cette zone de plat existe sur la majeur partie des planches excepté sur des flotteurs très typés «Surf » qui présentent en effet une courbure continue, sans zone de plat, et très marquée pour privilégier la maniabilité, au détriment du départ au planning (le flotteur peine à se "caler"). On mesure ainsi quelques valeurs caractéristiques intervenant directement en navigation, dans les sensations que procure le flotteur, et dans ses aptitudes diverses.

Le rocker arrière (lift ou « kick »)

C’est la courbure arrière du flotteur. Plus il est prononcé, plus le flotteur sera maniable, la planche est vive (zone mouillée réduite, davantage de "pivot"), mais plus tard il partira au planning.

La longueur de plat

Elle permet au flotteur de se « caler » pour partir au planning, mais aussi à pleine vitesse. Plus elle est importante, plus le flotteur démarre vite. Attention toutefois, en l’augmentant de trop, on augmente d’autant la surface mouillée, et la planche sature en vitesse. En reculant la zone de plat, on augmente la valeur de rocker à 150 cm (on augmente le « rocker avant »).

Les Rockers à 150 cm et 200 cm de l’arrière

Démarrages de la courbure avant, Ils donnent une idée de la zone de départ du scoop. Faibles, ils amèneront le flotteur à taper dans le clapot, plus importants, ils diminuent la longueur de rail "mouillé" rendent la planche plus confortable, "électrique", mais moins stable en courbes.

Le Rocker maximum

C’est la courbure maximale du flotteur à l’avant. Il est en principe lié aux valeurs à 150 cm et 200 cm, mais on peut conserver une ligne de rocker tendue et l'augmenter tardivement ("kick") afin de limiter les enfournements.

« Kick Tail »

Lift brusque sur l’arrière du flotteur, de façon à conserver une longueur de plat importante. Permet donc de rester maniable sans trop pénaliser le départ au planning.

Base de données

A titre indicatif, voici un tableau répertoriant un grand nombre de cotes de planches du marché, ainsi qu'une liste de fiches complètes de mes planches.....juste pour se faire une idée !!

Cotes de planches
Lien vers le Forum: Ligne de Rocker

Base de données de planches de série sur

Base de données

L’outline

Il s’agit là, du contour de la planche observé du dessus.

Le Maître Bau

C’est la position de la largeur maximale du flotteur. Légèrement reculé par rapport au centre de la planche, il favorise la maniabilité à basse vitesse, permet de placer le volume sur la partie arrière et allège l’avant du flotteur, mais il "arrondit" l'outline sur cette partie arrière justement, rendant la planche plus volage dans les courbes et le clapot, en particulier par vent fort.

Un maître Bau reculé pénalise également le cap. Le concept « No-Nose » poussé à l’extrême est aujourd’hui révolu, et l’on assiste à un recentrage des maître-Bau (avancé sur les flotteurs de vague récents, ou paradoxalement beaucoup plus anciens, avec une réorganisation simultanée de la répartition des épaisseurs, donc des volumes). On renoue par la même, avec des formes plus fluides, et des comportements de flotteurs plus homogènes, et moins «épileptiques ».

Le croquis ci-dessous illustre l'influence de la position du maître bau à largeur donnée, sur les courbes d'outline.

Position du maître bau
Position du maître bau

Largeurs à 30 cm et 70 cm de l’arrière:

Ces largeurs sont complémentaires, et permettent de retendre (faire du cap, partir au planning), ou arrondir (rendre plus maniable) les formes arrières. Un arrière large par exemple amène de la « portance », de « l’appui », favorise les appels de sauts, mais devient vite peu confortable dans le vent fort, et dans le clapot, ou en surf sur des vagues propres et rapides.

Largeur à 30 cm de l’avant:

Elle permet de contrôler la longueur de rail mouillée lors des prises de carre (le rail "mord" plus ou moins loin en surf "pied avant"), et le volume sur l’avant.

La carène

Spiral – V ou tout simplement "V"

V progressif s’accentuant sur le tiers arrière. Permet d’augmenter le lift lors des prises de carre, le confort dans le clapot, mais pénalise le départ au planning (C’est aujourd’hui le plus répandu).

Reverse - V

V sur le tiers central, maximum au niveau du maître Bau. Permet d’accroître la maniabilité sans toucher au lift arrière. Favorise la conduite « Rail to Rail ». Il s’agit là d’un concept issu du "surf pied avant".

Les concaves

Légers de toute façon, ils favorisent le départ au planning en « retendant » le scoop de la planche, notamment si le V est prononcé. Un mono concave permet de retendre la partie centrale de la carène.

La forme des rails - Le Tucked Under Edge

Plutôt rentrée, cette arête, jonction entre le pont et la carène, favorise la douceur dans les courbes et la tolérance du flotteur, mais diminue l’accroche « incisive ». Des rails durs et hauts favorisent le cap, et le départ au planning, plus couchés et fins, ils augmentent la nervosité, mais restent moins tolérants aux appuis « approximatifs ». Le rail rentre globalement sur la partie avant du flotteur, et reste plus dur sur le tiers arrière.

Le pont

Plutôt bombé, il amène un confort de navigation, mais « grignote » du volume, ce qui peut être pénalisant. Il permet de conserver une épaisseur maximale au centre de la planche tout en ayant des rails fins, sur l’arrière en particulier. Plat, tombant sur les rails, (en Slalom et Race), tout en conservant le maximum de volume, il permet d’obtenir un flotteur confortable (le pont descend au niveau de la zone d’appui « pieds »), contrôlable, et facile à faire caper.

Sur le croquis ci-dessous, on voit que l’on peut, à hauteur de rail et épaisseur maximale données, modifier la forme du pont.

Descente du pont
Descente du pont

En conclusion, rappelons qu’aucun de ces paramètres n’est indépendant des autres, et que tout n’est que subtile affaire de compromis. Et si l'on ajoute à ceci le réglage de position des footstraps, du/des ailerons (US et slot boxs), ou encore celui du pied de mât, l'alchimie peut s'avérer fort complexe....!

Carènes et formes de ponts
Carènes et formes de ponts
Différentes formes de Tails
Différentes formes de Tails

En pratique :

On part donc d’un bloc de polystyrène de forme parallélépipédique.

Une alternative :

On peut réaliser sa planche sur un logiciel tel Akushaper, shape 3D ou surfdesigner : cette solution permet de visualiser en 3D son futur projet, et d’en déterminer en particulier le volume. On peut alors envoyer le fichier pour découpe du « Rocker + Outline » à une fournisseur de polystyrène tel Atuacores, ou pour fraisage complet du shape chez des shapeurs pros qui disposent d’une fraiseuse à commande numérique, comme Slashboards par exemple. On se contente alors dans ce dernier cas de réaliser la finition, mais l’on est plus shapeur au sens propre ! S’il est indéniable que l’on gagne alors en temps, propreté et précision, il faut néanmoins rappeler que pour un coût supérieur, cette solution ne dispense pas de veiller, à chaque étape de la fabrication (en particulier les étapes de sous vide), à conserver les formes originales, et en particulier la ligne de rocker, les valeurs de « V », et les profondeurs des concaves…..

Si l’on choisit se shaper, les outils de menuisiers tels que rabot électrique, surform, cales à poncer diverses (larges, circulaires, rigides ou souples) sont très adaptés.

A Propos du Trusquin

Le Trusquin est un lui aussi un outil de menuisier, permettant de tracer des lignes à distance constante des bords d'une pièce (très facile à bricoler soi-même). Ces tracés permettent d'obtenir une descente de pont régulière et symétrique. Des valeurs que l’on choisit pour tracer ces courbes en suivant l'outline, et ainsi descendre le pont par « facettes », dépendra sa forme, et la hauteur du rail. Mieux vaut donc y aller progressivement, en particulier sur une forme de pain que l’on a jamais shapée.

Descente du pont

On réalise des tracés successifs au trusquin, en pont (partie supérieure) et sur la partie latérale du pain (comme le montrent les croquis ci-dessus), afin de « tomber » le pont par facettes. Il est donc préférable d'avoir une idée de la forme de rails que l'on souhaite obtenir, voire d'avoir au préalable prévu de matérialiser la limite de rentrée de rails à l’aide d’un scotch papier sur la carène (voir croquis ci-dessous).

Ensuite, il s’agit donc simplement de « casser », par passes successives de rabot, puis de surform, l’angle droit généré par la découpe au fil chaud, en "prenant appui" sur les tracés réalisés.

On procède par « passes » d’arrière en avant, puis d’avant en arrière, et ce de manière symétrique de chaque côté de la planche.

Pour les zones comme l’avant (courbure importante), il est plus difficile de passer le rabot longitudinalement (les bords de la semelle du rabot se mettent en appui sur la courbure, et la lame de coupe ne touche plus le polystyrène) : on pivote alors l’outil de 45° par rapport au sens de déplacement (le rabot se déplace alors« en crabe »).

On obtient ainsi ce pont à « facettes ». C’est enfin au surform, à la cale souple, puis au Sandscreen, que l’on fait disparaître ces facettes. De la même façon que pour le rabot électrique, le surform doit être orienté de 45° par rapport au sens de déplacement. Il est alors utilisé comme une râpe (photo ci-dessous).

Le Sandscreen sorte de grille utilisée à l’origine pour poncer les « bandes » sur le Placoplatre, présente l’avantage, par rapport à un papier de verre classique, de ne pas s’encrasser, et de permettre un état de finition suffisant, pour la réalisation des stratifiés qui suivront.

La finition générale du shape en pont et carène se fait aussi au sandscreen.

Le shape est l’étape qui déterminera les performances du flotteur : il faut donc y apporter un soin très particulier, et ne pas hésiter à prendre des mesures régulières (par rapport aux côtes que l’on s’est fixé, et pour les symétries). En traçant un quadrillage sur le pont, avant la descente du volume, on peu contrôler encore un peu mieux sa symétrie.

Le shape reste aussi l’étape la plus « créative » de la fabrication (avec la déco, à ceci prêt qu'une déco ratée ne fait que vous gâcher la vue, et n'empêche pas le flotteur d'être performant !). Il dépendra du programme auquel on destine la planche, de sa propre vision des formes, et de son expérience !

Tracés du trusquin
Tracé au trusquin
Tracés du trusquin
Tracés du trusquin
Tracés du trusquin
Création des facettes au rabot
Création des facettes au rabot
Travail au surform
Travail au surform
Travail au surform
Travail au surform
Travail au surform
Travail au surform
Descente de pont
Descente de pont
Descente de pont

Rentré de rail et « Tucked Under Edge »

Le rentré de Rail se fait à ce moment, comme il aurait pu l'être avant la descente du pont...Tout est lié, et le fait de commencer par le rentré de rails, nécessite aussi d'avoir une idée de la descente de pont que l'on envisage, pour définir la hauteur de rail. Pour une planche en sandwich, la difficulté réside dans le fait que le surform va se trouver en appui sur des matériaux de densités différentes (Polystyrène/Stratifié/PVC). Toujours travailler donc, du Maitre Bau vers les extrémités, pour ne pas "accrocher" le fil du tissu...Pour des cale à poncer rigide (grain 40, c’est un grain moyen qui assure un rendu uniforme et très propre pour ce genre de matériaux), aucun problème de sens.

Le raccord entre le travail du pont, et celui des rails, se fait lui aussi au sandscreen. Lorsque cette jonction forme une arête ben matérialisée, on parle de « Tucked Under Edge » .

Repérage du rentré de rail
Repérage du rentré de rail
Travail au surform
Travail au surform
Travail à la cale souple
Travail à la cale souple
Rentré de rail
Rentré de rail
Finition au sandscreen
Finition au sandscreen

Si l’on souhaite enfin réaliser un pré-box en mousse PVC haute densité (fortement conseillé), afin de renforcer la zone d’ancrage du boîtier de pied de mât (voir Album photos ou La pose des accessoires ), c’est avant l’étape suivante (le premier stratifié et le sandwich du pont), qu’il faut y songer, de même que pour les renforts d'inserts.